Les tueurs, de quelque camp qu’ils fussent, des guerres françaises du second XVIème siècle faisaient une « guerre de Religion(s) » sans le savoir et pour cause : l’expression n’existait pas encore. Sa première occurrence daterait de 1596 et elle est exceptionnelle car on utilise d’autres mots : guerres civiles, révoltes, troubles… […] C’est surtout à partir des années 1660, une fois terminée la guerre de Trente Ans, que cela devient un thème de discussion dans les pays germaniques. Entre 1679, l’année de la crise de l’Exclusion (des catholiques des fonctions publiques, à commencer par le duc d’York, héritier du trône) en Angleterre, et 1714, celle de la fin de la guerre de Succession d’Espagne, la notion de « guerre de Religion » connaît une extension internationale.
Contre la puissance
de Louis XIV qui semble menacer tous les Etats voisins, surtout dans les années
1680, les pamphlétaires aiguisent leur plume et expliquent à qui veut
l’entendre qu’un tel type de guerre est le masque de la politique triomphante.
La défaite in extremis des Turcs - alliés de la France - devant Vienne (1683),
la révocation de l’édit de Nantes (1685) et le renversement des Stuarts
catholiques (1688), alias la Glorieuse Révolution, puis la dévastation du
Palatinat (1689) permettent à la « guerre de Religion » d’entrer dans
le discours, pour n’en plus sortir.
C’est à partir de ces
argumentations polémiques que sont développées ultérieurement les attaques
dirigées contre l’Eglise, plus largement aussi contre le christianisme toutes
« confessions » confondues, et, dès le XVIIIème siècle,
contre toute religion énonçant des dogmes - ceux-ci étant tenus pour une
inéluctable source d’intolérance et de persécutions.
On comprend bien que
des historiens protestants aient jadis pu soutenir cette argumentation. Mais,
aujourd’hui, celle-ci peut être recyclée hors de tout cadre
« confessionnel » si l’on considère que les Réformes protestantes
étaient dans le sens de l’Histoire et le concile de Trente beaucoup moins,
voire pas du tout. Dans un cas on reproche aux hommes du passé de ne pas penser comme leur historien si fier de ses certitudes. Dans un autre, on risque à l’inverse de vouloir les conformer aux modes de pensée actuels et on sera bien en peine de séparer avec certitude le politique du religieux. Celui-ci, pour la France du moins, a fait l’objet d’une prise en compte accrue depuis les deux dernières décennies du siècle dernier.
Aux études déjà nombreuses sur le vécu religieux réformé, s’en sont ajoutées d’autres sur celui des catholiques, mais en se focalisant le plus souvent sur les moments d’émotion et de violence collectives, de préférence à caractère eschatologique.
Mais d’autres aspects de la piété catholique, qui n’ont rien de négligeable, restent en fait sous-étudiés, alors même qu’ils expriment une réalité vécue au quotidien d’un attachement à la foi traditionnelle et parfois aussi d’une adhésion à ses renouvellements.
On s’est beaucoup demandé pourquoi des gens
étaient devenus protestants et comment, mais fort peu pourquoi d’autres étaient
restés catholiques et, parfois, avaient pris les armes dans ce but.
Inséré depuis <http://kiosque.lefigaro.fr/ouvrir-liseuse-milibris/figaro-magazine/5f16282b-e49b-468c-a1d4-88ef44d31a13> Le Figaro Magasine du 23 août 2019 |